L'Amour à mort ?

 


Nous publions le texte suivant dans le cadre du débat persistant depuis des années sur la violence envers les femmes - en public, mais aussi en privé, au sein des familles et des relations de couple (voir également La violence ordinaire).

Myrlène  1

Quand je regarde en arrière aujourd’hui, j’ai beaucoup de mal à croire que tu m’aimais. Je me dis que je devais vraiment être désespérée pour appeler cela de l’amour ; quand tu pressais tes doigts sur ma peau, l’empreinte s’estompait mais elle restait visible après tout ce temps.
Ma valeur se détériorait un peu plus à chaque choc de mots furieux qui frottaient contre les brise-lames déjà usés de mon cœur. Je me dis que je ne devais pas seulement avoir peur de toi, mais de tout ce que j’étais depuis que je ne me faisais plus confiance, de peur de faire un faux pas et de poser une autre mine sous ta peau.
Tu es parti ce jour-là, tu ne t’es arrêté que pour donner des coups de poings, des coups de pieds, un peu plus loin, un peu plus forts, en quittant la porte, fracturant ma mâchoire. La douleur était tellement forte que j’espérais saigner, juste là, sur le sol où tu m’avais laissée. Je me demandais si j’allais réussir à survivre à ce que tu m’avais fait ; et si j’en avais envie. Mais la résilience a toujours coulé dans mes veines plus rapidement que la tristesse et même si j’étais faible, j’ai trouvé la force de me relever du sol ce jour-là.

Ça semble tellement lointain maintenant. J’ai du mal à me dire que ces cicatrices pâles étaient des blessures ouvertes. Mon amertume semble tellement lointaine. Cela fait longtemps que je n’ai plus envie de t’appeler, de t’écrire, pour te raconter toutes les manières dont tu as failli me briser, mais tu n’y es pas totalement parvenu. Au lieu de cela, j’ai réalisé que si jamais je passais devant toi dans la rue, aujourd’hui, alors que j'ai souhaité ta mort, je n’aurais qu’une seule chose à dire.
Merci à toi.
Myrlène 2 Merci de m’avoir appris que je mérite bien plus que quelqu'un qui peut détruire une femme et appeler cela de l’amour ; qui peut non seulement justifier ses actes en blâmant la victime, mais aussi en faisant croire à une femme qu’elle méritait réellement ce qu’elle a subi.
Merci de m’avoir appris que plus jamais personne ne me contrôlera dans une relation, que je suis la gardienne de ma propre vie, de mes propres choix et de mes propres relations et que j’ai le droit de vivre ma vie librement et de ne pas être emprisonnée par le pouvoir d’une autre personne sur moi.
Merci de m’avoir appris que je n’ai pas besoin de compromettre qui je suis pour qu’on m’aime, que je n’ai pas besoin de chercher l’approbation de quelqu’un, ni de m’excuser d’être qui je suis auprès de ceux qui ont choisi de ne pas m’accepter comme je suis.
Merci de m’avoir appris que je n’ai besoin de personne pour me compléter ; que je suis mieux seule qu’avec quelqu’un qui ne m’aime pas avec respect, gentillesse, prévenance, douceur, acceptation.
Merci de m’avoir appris que les hommes comme toi ne peuvent pas changer.
Merci de m’avoir appris que je mérite plus que toi.

Grâce à toi je n’accepterai plus personne tant qu’il ne m’aimera pas de la même manière que j’ai appris à m’aimer.

2024 Myrlène Sarrazin (de Gaillan)

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