La bouquinerie du Médoc chez Delphine Montalant et Eric Holder
Lorsqu’une éditrice et un écrivain au grand cœur décident d’ouvrir un espace chaleureux dans leur demeure, pour le grand partage des livres et vous invitent aux voyages. Une telle rencontre amoureuse se fête dans la joie au fil des pages. Quand en plus, ce lieu de vie devient un pôle d’exposition et quand à la fin de cette interview, ces deux êtres exceptionnels évoquent leur amour de Jean Vautrin, l’homme et l’auteur, je tombe dans leur bras et leur dit un très grand merci pour tout !
Franck dit Bart : Où sommes-nous, quelle est l’histoire de ce lieu si chaleureux ?
Eric : Au milieu de la chaleur.
Delphine : Nous sommes à Queyrac, proche de Vendays-Montalivet, à la « bouquinerie » qui vient d’ouvrir le 2 juillet, mais c’est aussi notre maison.
Franck dit Bart : Qui est l’artiste artisan qui a ouvert les bras à la bouquinerie pour lui redonner vie. Pouvez-vous nous en dire deux mots ?
Eric : Michel Bourseau dit Milote, c’est un type formidable. C’est un homme providentiel avec un P majuscule. C’est quelqu’un qui peut se dépêtrer de n’importe quelle situation. Une toiture c’est du domaine connu, un crépi, une peinture, un carrelage, ce n’est rien à faire. Il témoigne de ce savoir faire qui perdure en Médoc.
Franck dit Bart : La bouquinerie, qu’est-ce que c’est ? Comment ça fonctionne ?
Delphine : C’est ouvert de 10 heures à 13 heures et de 17 heures à 20 heures 30. C’est un espace qui permet à tout un chacun de venir lire, de venir boire un thé ou un café, et si par bonheur un livre lui plait, il peut également l’acheter. Ce sont des livres d’occasion et également des livres neufs soldés. En plus, je me permets de présenter les éditions Delphine Montalant.
Franck dit Bart : O fête, Delphine, puisque tu es aussi éditrice, qu’est-ce que tu publies de beau ?
Delphine : J’ai commencé, il y a dix ans mes activités éditoriales, avec du premier roman surtout et également des recueils de nouvelles. J’ai suivi ensuite mes auteur(e)s. Du premier roman on est passé au second et parfois par bonheur au troisième. J’ai également une petite édition jeunesse et une petite édition beaux-arts. Je publie trois livres par an. Je suis toute seule à m’occuper de la maison d’éditions. Je suis un éditeur en région mais pas un éditeur régionaliste. J’ai fait un livre sur Montalivet, parce que ça m’intéressait et qu’il n’y avait rien d’écrit sur Montalivet.
Franck dit Bart : Quel est le fonds et les différentes catégories de livres que l’on peut trouver à la bouquinerie ?
Delphine : On a à peu près dix mille titres. Littérature générale en poche et grand format, beaux-arts, cinéma, livre jeunesse, polar, un petit rayon philo, théâtre, poésie, un rayon bien être, les gens, l’homme, histoire, dictionnaire. La bouquinerie s’adresse à tous les publics.
Franck dit Bart : Selon votre expérience, les médocains lisent-ils beaucoup, peu ou pas du tout et quel style d’ouvrages ?
Eric : Je peux répondre à cette question, dans la mesure où étant moi-même auteur, je rencontre beaucoup de lecteurs dans le Médoc. Ca veut dire que des personnes insoupçonnables lisent beaucoup. Il y a même à Soulac des clubs de lecture. Il faut savoir que c’est une invention anglo-saxonne, les « bookaholics » comme on dit en Grande-Bretagne. Ce sont des personnes qui se réunissent pour parler des plus récents livres qu’ils ont lus, voir se donner un livre à lire en commun.
Franck dit Bart : La bouquinerie peut-elle s’ouvrir sur d’autres manifestations culturelles et si oui lesquelles ?
Delphine : Nous avons envie de faire vivre ce lieu. Le 14 juillet justement aura lieu le vernissage à 18 heures de l’exposition des photographies de Véronique Brill. qui tient comme moi, juste en face du mien, un stand sur le marché de Montalivet.
Franck dit Bart : A ce propos justement, à bord de ton combi, Delphine, tu écumes aussi en été très régulièrement le marché de Montalivet où tu plantes ton stand avec ton amour du livre à donner à partager. Comment conçois-tu ton rôle de passeuse des livres, autant comme éditrice que bouquiniste ?
Delphine : Ca tient à différentes choses et je pense que c’est politique. J’ai envie de faire sortir le livre de la librairie et de la bibliothèque. J’arrive à choper des gens sur le marché qui n’étaient pas du tout venus pour acheter un livre, mais pour autant c’est un stand simple et attrayant. On va s’arrêter, on va pouvoir discuter et ensuite elles repartiront peut-être avec un livre. Ma clientèle, c’est les 20 / 35 ans. On va arrêter de dire que les jeunes ne lisent pas. J’ai même réussi à vendre un Sophocle sur le marché ! Ce n’est pas banal. On vend de tout et curieusement beaucoup de classiques dans la littérature. Des noms comme Céline, Sartre. « Madame Bovary » de Flaubert, je l’ai vendue huit fois l’année dernière. Primo Lévi, « Les fleurs du mal » de Baudelaire, ce sont les livres que je vends le plus sur le marché. Mais aussi du Sade également.
Franck dit Bart : Et toi Eric, quelle est ton a actualité littéraire ?
Eric : Je prépare un recueil de nouvelles hot.
Franck dit Bart : Yeah, ça va chauffer dans le Médoc mon neveu ! Sur ces entrechats, le Médoc, est-il propice, à lire écrire et partager votre amour des livres ?
Eric : (enthousiaste) C’est un territoire de liberté. Cela signifie que la liberté c’est important pour écrire. Partager l’amour des livres, c’est le partager un peu plus tous ensemble. Encore une fois, le Médoc c’est dû à sa situation de presqu’île. Il y a quoi ? 80000 personnes peut-être ! Sur la Pointe, il y a beaucoup de lecteurs. Des personnes qui résistent au vent, à la marée, aux embruns, C’est cet air là, maintenant que je t’en parle, qui est éminemment romanesque, en plus d’être romane.
Franck dit Bart : Vaste question pour finir, quel rôle jouent les livres dans votre vie de tous les jours ?
Eric : On est dicté par les livres. C’est la dictée, c’est le Coran qui signifie la dictée. Nous sommes nés des livres. Delphine, je ne sais pas si elle pourrait dire la même chose, faute de distance. Des parents lecteurs prodigieux, le père de Delphine avait une bibliothèque surréaliste extraordinaire. Il connaissait les meilleurs libraires de Paris. Sa mère lit deux à trois livres par jour. Quand j’ai rencontré Delphine, il y avait des livres partout. J’avais moi-même dix-sept ans. Un charpentier m’avait fabriqué une petite bibliothèque, il me l’avait faite gratos parce que j’aimais les livres. On voudrait vivre parmi les livres. Quel que soit le métier que l’on fasse : bouquiniste, écrivain, éditeur, représentant, libraire, critique… on veut être parmi les livres. Il n’y a que cela qui est important. Cela promène ailleurs. Le livre fait vivre à la place de quelqu’un.
Franck dit Bart : Si tu as un exemple récent qui t’a touché.
Eric : Oui, c’est « Ada ou l’ardeur » de Nabokov. Comment sur un désir peut-on écrire 750 pages absolument sublimes ! Sur le scrabble comment c’était auparavant. Sur les Etats-Unis comment c’est devenu dans la partie Nord grâce aux Russes. Ah ! Nabokov ! Il écrit : « Elle avait traversé le grand haha de l’Atlantique ». Un haha c’est une trouée dans une baie qui permet de ménager la vue ou bien un pas de cheval au-dessus d’un ruisseau, c'est-à-dire on ménage une sorte de pont pour permettre à un cheval de passer. C’est la langue !
Franck dit Bart : Et en ce qui te concerne Delphine ?
Delphine : J’ai l’impression que je suis née dedans. En fait, je n ai jamais quitté les livres. Aujourd’hui, je les multiplie. Je ne peux pas me passer des livres. Une journée sans livre, c’est une journée ratée. (Eric approuve de la tête). La bouquinerie m’a permis de mettre le nez dans des livres que je n’aurai pas choisis spécialement. Sur mon stand du marché de Montalivet, je lis beaucoup de manuscrits dans la journée et je me permets de lire le soir. Le marché c’est une autre permission. Je me permets de lire de la BD, des livres sur l’art de vivre, où je mets mon nez un peu parce que c’est important que je lise des livres que je propose.
Franck dit Bart : Si vous avez des choses à rajouter, oyez oyez, ne vous gênez surtout pas !
Eric : Dans le sens de Delphine, c’est marrant la bouquinerie, il y a des livres qui nous sont passés sous les yeux ne serait-ce que pendant notre jeunesse. « Papillon », vous vous souvenez ? Mais il en a écrit un autre : « Tchao » et ça vaut Henri de Monfreid. C’est balaise ! Ca permet de réviser ses jugements.
Delphine : Je pense à notre rencontre avec Jean Vautrin à la semaine de l’art à Pauillac. On revient chez nous et on se demande qu’est-ce qu’on a de Jean Vautrin ? Et hop, on a des livres de lui que l’on n’a pas lus et toc on les lit. Nous, on a un choix merveilleux.
Eric : Ce n’est pas qu’un habile faiseur, c’est un très habile faiseur. Ce n’est pas que ça, il a une humanité et il est très très proche de nous. C’est un medecine man !
Delphine : Il ressemble à ce qu’il écrit. En tout cas il est sincère.
Eric : Il est plus dans l’humain que l’humain !
Franck dit Bart : Un grand merci à vous deux pour votre accueil chaleureux et à votre bouquinerie ouverte à tous les vents de la littérature. Merci aussi pour vos mots très tendre à propos de ce cher Jean Vautrin, joyeux clin d’œil fraternel, pour lui dire que même dans le profond Médoc à la Pointe du bout du monde, on ne l’oublie pas et on apprécie autant le bonhomme que l’écrivain avec sa verve toujours intacte.
La bouquinerie, les Ourmes, 4 chemin des Geais, 33340 à Queyrac. / téléphone : 05 56 59 11 46 / courriel : lolad@club.fr
Pour se rendre à la bouquinerie depuis Vendays-Montalivet, sur la place de l’église, prendre la route du bois du fil direction Coudessan. A environ à 3 km de Vendays et avant Coudessan, prendre la route sur la gauche qui indique la bouquinerie par une flèche.
2011 Franck dit Bart
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